Nous avons lu avec intérêt la lettre ouverte de Christian Savard, PDG de Vivre en Ville, sur la fermeture de succursales de la SAQ, et nous partageons certains des constats qu’il soulève, notamment en ce qui concerne les impacts de ces fermetures sur les municipalités à travers le Québec. Toutefois, là où nos chemins divergent, c’est sur la solution qu’il avance : plutôt que d’affaiblir la SAQ en la privatisant sous prétexte de régler un problème qui, nous en convenons, est bien réel, il nous apparaît au contraire fondamental de la renforcer tout en lui rappelant sa mission.

La SAQ est une société d’État qui appartient à toutes les Québécoises et à tous les Québécois, et c’est ce modèle unique qui nous distingue, qui assure des revenus colossaux pour l’État et qui permet d’offrir une qualité de service, ainsi qu’une diversité de produits que bien des marchés privés nous envieraient. En 2022-2023, la SAQ a versé près de 1,5 milliard de dollars au gouvernement du Québec, des revenus qui financent directement nos services publics. Privatiser la SAQ, même partiellement, reviendrait à se priver de cette manne au profit d’intérêts privés dont la seule logique est celle du profit.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, libéraliser le marché de l’alcool ne garantirait en rien une meilleure offre, bien au contraire. L’exemple de l’Alberta, qui a fait le choix de privatiser son réseau de vente d’alcool, est criant, non seulement les prix y sont plus élevés, en moyenne 7 % plus cher qu’au Québec, mais le choix s’est considérablement restreint et la qualité du service a nettement diminué. En Alberta, les boutiques privées se concentrent sur les produits les plus rentables au détriment de la diversité. Ce modèle, qui favorise une multiplication de détaillants sans garantie d’accès équitable pour l’ensemble du territoire, ne saurait répondre aux besoins des Québécoises et des Québécois.

Ces dernières années, la SAQ a fermé des succursales, notamment dans les centres-villes, une décision que nous avons nous-mêmes critiquée à maintes reprises, car elle touche directement les communautés, les travailleuses, les travailleurs et les consommatrices et consommateurs qui en dépendent. À ce titre, nous nous opposons à la fermeture de la succursale de Chicoutimi, et avons déjà entamé des démarches avec les acteurs locaux afin de bloquer cette décision. De la même manière, nous avons lutté contre la fermeture à Victoriaville en rappelant à la SAQ sa responsabilité sociale dans le développement régional, et nous avons été activement impliqués dans le combat à Trois-Rivières.

Par ailleurs, ce qui fait la force de la SAQ, c’est l’expérience qu’elle propose : une expertise inégalée, des conseillères et conseillers passionnés qui savent orienter les choix en fonction des goûts et des occasions, une sélection impressionnante qui fait la fierté de notre gastronomie et qui met en valeur les produits du terroir. C’est également un réseau qui garantit une uniformité des prix et qui devrait sans contredit garantir une accessibilité partout au Québec. Nous avons toutes et tous un souvenir attaché à la SAQ : une recommandation qui nous a marqués, une bouteille découverte grâce aux conseils avisés d’un employé, un service impeccable qui transforme l’acte d’achat en une véritable expérience bien au-delà de la simple consommation.

Démanteler ce modèle, sous prétexte que la SAQ ne remplit pas parfaitement son mandat, serait une décision aux conséquences désastreuses pour l’ensemble de la population québécoise. La solution passe plutôt par un renforcement de notre société d’État, par une meilleure écoute des besoins régionaux et par une stratégie d’expansion qui tient compte de la vitalité de nos centres-villes et de la proximité avec les clientèles plutôt que par une logique purement comptable. Ce n’est pas en mettant la clé sous la porte que nous réglerons le problème, mais bien en exigeant de la SAQ qu’elle remplisse pleinement son rôle, avec toute la responsabilité qui vient avec son statut de monopole public.

Monsieur Savard soulève un enjeu qui mérite réflexion et nous sommes tout à fait ouverts à en discuter, car nous partageons plusieurs de ses préoccupations. Toutefois, s’il y a une certitude, c’est que la privatisation, même partielle, de la SAQ ne ferait qu’appauvrir collectivement le Québec. Ce que nous voulons, ce n’est pas moins de SAQ, mais bien une SAQ plus forte, mieux répartie sur le territoire et toujours au service de la population comme elle a su l’être depuis tant d’années.

Syndicat des employées et employés de magasins et de bureaux de la SAQ (SEMB-SAQ–CSN)
Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN)

Communiqué officiel